Le mal est-il étranger ?

Un mois après l'assassinat de Samuel Paty,

passées les réactions épidermiques compréhensibles,

il est temps de s'interroger sur les origines d'un tel drame

et de se poser la bonne question :

 

 

Le mal est il étranger ?

 

On dit parfois de certains actes ou comportements qu'ils sont inhumains. Que tel crime odieux, telle absence d'émotion, ne peuvent venir d'un individu « normal », qu'il y a forcément une origine autre (autrefois on disait diabolique) qui exclue cette personne de la société des hommes. Cette expression est absurde (dans les faits, ce sont tous des hommes) mais utile, car elle permet de mettre une limite à notre compréhension des différences et au tolérable. Le pire serait d'envisager que tout est acceptable et de sombrer dans ce qu'Hannah Arendt appelait la banalité du mal, qui plonge une société dans la guerre de tous contre tous.

 

De même qu'un parent égocentrique peut renier son enfant s'il « tourne mal», s'il ne répond pas à ce qu'il espérait et avait projeté sur lui, une société à fort modèle dominant (et les nationalismes sont très forts actuellement, même si la diversité des cultures n'a jamais été aussi grande par le déplacement des populations) aura tendance à reporter les actes violents (meurtres, aggressions) ou les atteintes auxbiens (dégradations, vols, incivilités) sur des personnes n'ayant pas tous les signes d'appartenance à la communauté (au besoin en en forçant les traits distinctifs)stigmatisant ces « étrangers » pour en faire des boucs émissaires.

 

Plus il y a de violences et plus cette tendance se renforce : cette spirale a son  origine non dans l'acte de tel ou telle personne, mais dans la tension (mondiale) générale de nos sociétés. L'enfant qui nait n'est pas agressif de même que l'on ne devient pas terroriste simplement poussé par une pulsion génétique ou un trauma individuel. Même si le passage à l'acte a une dimension personnelle, tant que l'on n'agit pas sur les causes profondes, on perdra son temps et son énergie à contraindre les effets, donc à renforcer les tensions. Parmi les jeunes français partis en Syrie, par exemple, on peine à trouver des raisons individuelles et l'endoctrinement ne suffit pas non plus à expliquer ce sacrifice. Penser que rejeter tous les étrangers (sur combien de générations?) neutralisera la poudriére , mondiale des injustices sociales subies par le plus grand nombre et des ambitions dictatoriales de quelques groupes de pression (pseudo religieux, économiques ou d'élites supranationales) est un leurre qu'utilisent ceux là même qui ont intérêt à nous diviser. Et parmi eux, paradoxe apparant, des personnes qui se revendiquent d'une religion tout en martyrisant leurs condisciples (rappelez vous les massacres en Algérie dans les années 90) ou en renforçant par leurs actes la méfiance et le rejet vis à vis de toute leur communauté.